La SOUS-LOCATION DE SON LOGEMENT : DES CONDITIONS STRICTES

Avoir un vrai logement à Paris Intra-muros ou dans une grande ville à vocation touristique, quel privilège ! Voilà qui explique l’explosion du Airbnb, mais pas seulement. Les locataires en quête de revenus complémentaires, se mettent à sous-louer leur logement à une clientèle qui n’est pas toujours touristique et pas seulement de passage. La récente actualité judiciaire vient de rappeler jusqu’où on peut user sans abuser.

Il est acquis que la sous-location est un contrat de droit commun relevant du code civil et de la libre convention des parties qui échappe aux dispositions d’ordre public de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 protectrice du locataire ; cette loi  s’applique à toute location meublée ou non qui constitue la résidence principale du locataire.

Mais ce que certains semblent ignorer c’est que l'article 8 de la loi, depuis sa modification par la loi ALUR du 24 mars 2014, INTERDIT toute sous-location à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation SAUF AUTORISATION EXPRESSE DU BAILLEUR.

Sont interdites en tant que sous-location, toutes les conventions comportant pour le sous-occupant l'obligation d'une contrepartie, qu'elle soit en argent ou en nature, exemple : logement mis à la disposition d’un salarié en contrepartie d’une redevance précomptée sur sa rémunération (Cas civ 3 7 Avril 1994 n° 92-14478) , ou mise à disposition d’une chambre en contrepartie de travaux ménagers réalisés pour le compte du locataire (Cas civ 3 27 janv 2004 n° 02-19085).

En revanche, sauf si une clause du bail l’interdit, le bailleur ne peut empêcher le locataire principal de prêter son appartement, même pour une longue durée.  A retenir que la clause qui oblige à occuper personnellement les lieux ne vise que l’interdiction de cession et de sous-location, elle ne peut avoir pour effet d’interdire à un locataire d’héberger des tiers ; une clause interdisant l'hébergement de tiers serait réputée illicite.

LES CONDITIONS POSEES PAR LA LOI

Ceci étant posé, la sous-location moyennant contrepartie n’est licite que si les conditions suivantes sont respectées :

- Accord du bailleur donné soit dans un écrit séparé, soit par avance dans le contrat de location lui-même ; il peut être donné a posteriori si le bailleur renonce à se prévaloir de l'irrégularité, mais cette renonciation doit résulter d'actes positifs et dépourvus d'équivoque.

- L'accord du propriétaire sur le prix de la sous-location et ses modifications (révision) est indispensable. Un accord de principe peut être donné dans le contrat de location qui sera suivi d'un accord exprès sur le loyer de la sous-location dans un autre document ou dans le contrat de sous-location lui-même auquel interviendra le bailleur principal. Un accord du bailleur sur la sous-location qui ne porterait pas sur le prix du sous-loyer lui rendrait la sous-location inopposable :  la Cour d’Appel de Paris a ainsi prononcé la résiliation du bail et du sous-bail dont le prix n'avait pas été communiqué au bailleur (CA Paris 9 oct. 2001 : JurisData n° 2001-154388).

– Limitation du loyer du sous-bail. Pour éviter la spéculation et que la loi ne soit détournée, le prix du loyer des locaux sous-loués, est calculé sur la base du mètre carré de surface habitable telle que définie à l’article R 111-2 du CCH, et ne peut excéder celui payé par le locataire principal. En conséquence si seule une partie du logement est loué, et si cette partie se situe sous les combles, situation fréquentes pour les chambres de bonne, il faudra déduire les surfaces inférieures à 1,80 m pour fixer un prix de loyer licite.

Transmission obligatoire au sous-locataire de l'autorisation écrite du bailleur et de la copie du bail principal qui lui permettra de vérifier la régularité de la sous-location.

 Durée de la sous-location : elle est libre sans pouvoir excéder celle du bail principal, le deuxième alinéa de l'article 8 de la loi disposant que “en cas de cessation du contrat principal, le sous-locataire ne peut se prévaloir d'aucun droit à l'encontre du bailleur ni d'aucun titre d'occupation”.

Conséquences : La durée de la sous-location peut être réduite en cas de rupture prématurée du bail principal (résiliation judiciaire, acquisition d'une clause de résiliation de plein droit, voire congé donné en cours de contrat par le locataire principal). Le fait pour le sous-locataire de payer les loyers aux lieu et place du locataire principal ne pourrait lui donner le droit de se maintenir dans les lieux, s’il ne peut apporter la preuve que le bailleur lui a consenti un bail direct même verbal. Si le bail principal n’existe plus le sous-locataire devient occupant sans droit ni titre et pourra être expulsé.

Rappelons également que :

Le contrat est conclu "intuitu personae" et le bailleur est en droit de prendre en considération la personne du sous-locataire pour donner son autorisation.

- Le sous-locataire reste étranger au bailleur à qui il ne peut en principe rien réclamer. C'est le locataire principal qui demeure tenu à l'égard du bailleur de toutes les obligations du contrat et endossera la responsabilité des dégradations; il sera par ailleurs tenu à l'égard du sous-locataire des obligations et garanties du bailleur. 

SANCTIONS ENCOURUES EN CAS DE SOUS-LOCATION IRREGULIERE

Le locataire principal qui s’affranchirait des deux exigences posées par l’article 8 :  accord express du bailleur et montant du sous-loyer limité au montant du loyer principal, risque : 

. De perdre son bail.

Le bailleur pourra demander la résiliation judiciaire du bail ; à noter que le propriétaire ne pourra pour ce motif faire jouer la clause résolutoire de plein droit, puisque la loi ne l’autorise qu’en cas de défaut de paiement du loyer, des charges et du dépôt de garantie et pour défaut de souscription d'une assurance des risques locatifs. En conséquence le Tribunal conserve une totale liberté d'appréciation de la gravité de la faute commise et peut refuser de prononcer la résiliation (CA Paris, 6e ch. A, 1er avr. 1987 : JurisData n° 1987-021930. – CA Paris, 6e ch. A, 7 avr. 1987 : JurisData n° 1987-021934

Le propriétaire peut choisir d’attendre la fin du bail et donner un congé fondé sur ce motif considéré comme "légitime et sérieux".

Toutefois s’il a toléré pendant un certain temps la situation, il ne pourra ensuite demander la résiliation du bail ou donner congé en invoquant la sous-location.

. Des sanctions financières très lourdes.

Le  bailleur qui établit avoir subi un préjudice peut en obtenir réparation, lequel comprend dorénavant le remboursement des loyers illégalement perçus.

Les appartements sous-loués  à l’insu du propriétaire via la plate-forme Airbnb viennent de donner lieu à deux décisions qui devraient amener les locataires à être très vigilants.

. Dans la première affaire les locataires avaient sous-loué sur Airbnb, sans autorisation du bailleur, de 2013 à 2015, un appartement situé dans le 5ème arrondissement  au prix de 120 euros la nuit (soit 700 € la semaine ou 3 401 € le mois), alors qu’ils payaient un loyer mensuel de 1200 euros ; le Tribunal d’instance a prononcé la résiliation du bail principal et les a condamnés à payer au bailleur une somme de 5 000 euros  en réparation de son préjudice moral (TI Paris, 5e, 6 avr. 2016 : JurisData n° 2016-010240 ; Loyers et copr. 2016, comm. 163).

Les locataires mécontents ont interjeté appel. Invoquant le droit d’accession visé aux articles 546 et 547 du Code civil qui permet au propriétaire d’un bien immobilier d’en percevoir tous les fruits (fructus), le bailleur a demandé le remboursement de tous les loyers perçus ; opérant un revirement par rapport aux décisions jusqu’à présent rendues, dans un arrêt du 5 juin 2018 a Cour d’appel de Paris a jugé que tous les loyers issus de sous-locations illicites sont des fruits civils produits par l’appartement et que, de ce fait, ils doivent nécessairement revenir « par voie d’accession », au propriétaire qui seul est autorisé à faire « fructifier » sa propriété. Les locataires ont été condamnés à lui rembourser  27 295 €, outre les 5.000 € déjà perçus.

Une autre réponse apportée par l’arrêt est intéressante : peu importe que le propriétaire ait déjà perçu les loyers dans le cadre de la location principale, car loyers et sous-loyers ne se fondent pas, ils se distinguent.

Cette jurisprudence vient d’être suivie par un jugement rendu le 24 Octobre 2018 par le Tribunal d’instance du 17ème. Alors que la sous-location était interdite dans le bail, la locataire avait sous-loué son logement sur la plate-forme Airbnb, entre 2011 et 2018 au total 767 jours, au prix de 60 € la nuit soit trois fois son loyer principal (600 € par mois). Le tribunal a prononcé la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire qui doit rembourser au propriétaire 46.277 €, montant des loyers perçus, outre 1.000 € de dommages et intérêt et 1.000 € en remboursement des frais d’avocat.

A souligner également que le sous-locataire qui a payé plus que le loyer principal, est fondé à demander au locataire principal le remboursement de la différence.

Finie donc l'illusion qu'en matière de sous-location tout est permis.

 

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